TribunePas de smartphones et tablettes sous la couette !Avec le Dr Patrick Lemoine

Description

Notre temps passé sur les écrans est en constante augmentation et s’élève aujourd’hui à 4h30 par jour soit 8 minutes de plus qu’en 20181.

Que ce soit par nos téléphones portables, nos tablettes, nos ordinateurs, nos télévisions… La multiplicité de nos usages participe à ces perturbations de nos phases de sommeil car nous sommes mobilisés en permanence sur différents supports. De nombreux réveils nocturnes sont causés par nos écrans.

Toutes les générations sont touchées par ces troubles au moment du coucher. En effet 16% des Français et 28% des 18-34 ans admettent être réveillés la nuit par la sonnerie de leur téléphone2. De plus, contrairement aux recommandations des spécialistes qui rappellent l’importance de la déconnexion des écrans avant le coucher, 45% des adultes consultent leurs écrans le soir au lit.

Le Dr Patrick Lemoine, docteur en neurosciences, psychiatre et spécialiste du sommeil à travers sa tribune intitulée « Les écrans et le sommeil » explique les mécanismes clefs du sommeil et démontre comment les écrans deviennent les trouble-fêtes de nos nuits.

Sources

  1. https://lessentiel.macif.fr/temps-d-ecran-adultes-accros-outils-numeriques
  2. Enquête menée par INSV/MGEN en 2020 : Le sommeil des Français en 2020​​

Importance du sommeil

​C’est avant tout sur la qualité et la quantité de notre sommeil que repose le temps que nous avons à vivre en bonne santé car c’est lui qui régule l’efficacité de notre immunité, celle de notre système cardiovasculaire, notre poids, notre glycémie, notre mémoire, notre moral aussi (anxiété, dépression). C’est par conséquent pour toutes ces raisons que nous devons porter une attention particulière à la qualité de nos nuits si nous voulons éviter autant que faire se peut le cancer, les infections (Covid, grippe…), l’obésité, le diabète, l’hypertension artérielle, l’infarctus, l’AVC, l’Alzheimer et bien d’autres misères encore !​

Les deux grands perturbateurs

Parmi les nombreux facteurs qui peuvent impacter notre « bien-dormir », il en est deux sur lesquels nous pouvons agir en particulier : les stimuli plus ou moins stressants et la lumière bleue… en un mot, les écrans ! Autrement dit, il est particulièrement important de bien savoir utiliser ces compagnons devenus indispensables, smartphones, tablettes et ordinateurs, sachant que la télévision que l’on regarde en général à plus de 2 mètres et qui émet peu de lumière bleue ne pose pas le même genre de problème.

Stimulus stressant

Démarrer un chat ou un jeu forcément par nature plus ou moins addictif, ouvrir ses mails et y répondre, regarder une série d’épouvante, tout cela avant de s’endormir, oblige notre cerveau à se maintenir dans un haut niveau d’excitation, voire d’anxiété et par conséquence directe à rester en mode sentinelle, en d’autres termes à ne pas oser se couper d’un environnement qu’il juge devenu trop hostile.

Par exemple, lire ses mails le soir est une erreur. D’un point de vue technique, cela ne fait aucune différence pour votre correspondant d’envoyer un message à 23 heures ou le lendemain matin à 8 heures. En revanche, d’un point de vue psychologique, comme il y a toujours un mail désagréable dans la masse des messages, le lire le soir ne laisse pas le temps de le digérer avant de se mettre au lit, alors que reçu le matin, le même mail aura toute la journée pour être assumé… et traité !​

Lumière bleue

L'être humain est un animal diurne, programmé pour dormir dans le noir et être actif lorsqu’il fait jour. Pour ce faire, nous avons des horloges dans le cerveau parmi lesquelles la plus importante régit nos rythmes circadiens (autour de 24 heures). Quand notre œil est exposé à la pénombre, que la lumière devient de plus en plus faible, quelle que soit l’heure, il envoie un signal à notre cerveau, lequel se met à sécréter de la mélatonine, une neurohormone qui nous informe que c’est bientôt l’heure de se mettre au lit et qui nous aide à maintenir notre sommeil une fois endormis.

À l’inverse, le matin, quand la lumière, en particulier sa composante bleue stimule notre rétine, le signal général est envoyé qu’il faut se lever et s’activer. Autrement dit, le bleu stimule et le rouge endort ! Or, la généralisation universelle des écrans vient perturber toute cette belle organisation de nos rythmes et donc, notre sommeil.​

Alors que faire ?

Tout d’abord, ne jamais emporter son téléphone ou sa tablette dans la chambre à coucher !

Ensuite, ne pas allumer et regarder un de ces appareils au moins deux heures avant de se coucher. Et tout ce que je viens de dire concerne encore beaucoup plus les enfants et les adolescents ! En ce qui me concerne, je demande systématiquement à mes patients insomniaques de ne jamais regarder d’écran après dîner. Et s’ils me disent, « mais, Docteur, je vous assure que je dors bien, même si j’ai passé ma soirée à surfer sur Internet », je leur propose d’enregistrer leur sommeil dans ces conditions et invariablement, je trouve un sommeil perturbé, moins de stades de sommeil intéressants, plus de réveils même brefs.

En résumé, ils dorment mal mais… ils ne le savent pas !

L'intervenant

  • Dr. Patrick Lemoine

    ​Spécialiste du sommeil, psychiatre, docteur en neurosciences, habilité à diriger la recherche, ancien praticien hospitalier et directeur d’enseignement clinique à l’université Claude Bernard de Lyon.​

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